Excusez-moi le titre quelque peu familier de cet article, mais fréquemment, lorsque j’aborde la question de l’étanchéité à l’air, on me jette un regard étonné : « c’est quoi ce truc ?? ».
Je vous propose donc de découvrir cette notion avec une série de 3 courts articles (qui reprennent les 3 questions qu’on me pose quasiment toujours dans le même ordre !).
Une maison étanche ne veut pas dire isolée ?
Aujourd’hui en France lorsqu’on parle de logements économes, on attribue tous les mérites à une bonne isolation ! Dans nos têtes, on lie facilement l’efficacité de l’isolation thermique des bâtiments avec l’emploi de matériaux isolants très performants (ayant une grande résistance thermique R) pour limiter les transferts de chaleur à travers les parois. Ce n’est pas faux, mais disons incomplet.
En réalité, une très bonne isolation ne jouera pas complètement son rôle SI l’enveloppe n’est pas exempte d’infiltrations d’air parasite.
Pour mieux comprendre le phénomène imaginez que vous profitez d’une belle balade sur une plage bretonne, vous portez un (joli) pull à grosses mailles et le vent souffle. Que se passe-t-il ? Et bien vous frissonnez ! Les « infiltrations d’air » limitent le pouvoir isolant du pull ! La solution ? Avec un simple coupe-vent, vous « étanchéifiez » votre enveloppe, et vous vous sentez bien mieux !
Pour l’enveloppe d’une maison, le principe est le même ! Autrement dit, l’isolation sera optimale qu’avec un traitement optimal de l’étanchéité à l’air (notamment à la liaison entre façades et parois, menuiseries extérieures mal posées…).
Premier point à retenir donc : isolation et étanchéité à l’air sont 2 principes distincts, complémentaires ET incontournables pour une construction performante (maison BBC, maison passive, maison positive).
Quel est l’impact et les conséquences de l’inétanchéité ?
Cette notion est très nouvelle en France, on pourrait presque croire que c’est un détail, du « perfectionnement ».
Pas tout à fait !
On estime l’augmentation de la consommation de chauffage des bâtiments standards en France due à une mauvaise étanchéité, de 15 à 20 kWh par rapport à un bâtiment imperméable. Ces valeurs sont fortement augmentées lorsqu’on prend entre autres des logements construits avant 1975 qui représentent environ 63% du parc de logement actuel, où il n’existait pas encore de Réglementation Thermique en vigueur, et qui sont en conséquence pour la plupart de véritables passoires thermiques.
Sans nous culpabiliser, il est peut-être bon de rappeler que nos voisins outre-Atlantique se sont posé ces questions bien avant nous. Ce sont d’ailleurs les Américains qui ont conçu une machine permettant de mesurer toutes ces inétanchéités dans l’enveloppe d’une maison !
Comment savoir qu’une maison est trop étanche ?
Je rappelais dans la première partie de l’article l’importance de la prise en compte de l’étanchéité à l’air pour construire et rénover des maisons vraiment économes (donc performantes). Il existe un outil et une méthode pour quantifier le volume de ces inétanchéités : la blowerdoor (= porte soufflante).
Ce test porte les noms (barbares!) de test d’étanchéité à l’air, test de perméabilité à l’air, test d’infiltrométrie, test à la porte-soufflante et test blowerdoor.
Le test d’étanchéité comment ca marche ?
Le test d’étanchéité à l’air se fait grâce à un dispositif spécifique – la Blower Door – qui va permettre mettre en dépression/surpression le bâtiment.
Késako ? Il s’agit de créer une différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment, en forçant l’air à entrer/sortir par ces infiltrations, ceci en accentuant légèrement les fuites d’air parasites existantes pour les rendre visible par différents outils.
Objectif ? Quantifier et localiser facilement les infiltrations d’air. Une mesure du débit de fuite normalisé sous 50 Pa (n50) et sous 4 Pa (Q4) est ainsi déterminée à l’aide d’une interface informatique et d’un boitier d’acquisition ré-étalonné annuellement. On peut ensuite localiser précisément des défauts d’étanchéité pour déceler les principales sources d’infiltration (à l’aide d’une caméra thermique, de générateurs de fumée, ou tout simplement avec la main), en construction neuve ou en rénovation. Liaisons entre façades et parois, menuiseries extérieures, équipements électriques ou encore trappes et canalisations connaissent habituellement de multiples inétanchéités qui doivent être vérifiées lors d’un test d’étanchéité à l’air.
Sur une maison neuve
Les labels de performance énergétique (maison BBC = bâtiment basse consommation) et Passivhaus (pour la maison passive) fixent des seuils de tolérance pour ces infiltrations. Si on veut labelliser sa maison, il faudra réaliser des tests en cours de construction et à la réception du chantier (par des organismes certificateurs).
Pour notre part, même lorsque le maitre d’ouvrage ne souhaite pas la labellisation, nous réalisons ce test. C’est pour nous un outil de contrôle qualité sur le chantier, et une garantie de l’atteinte des performances pour le maitre d’ouvrage !
En rénovation
Un bilan énergétique de qualité doit prendre en considération ce test d’infiltrométrie. Sans la maîtrise des infiltrations d’air, quelles soient contrôlées (ventilation) ou parasites (fuites), nous ne pourrons jamais faire des bâtiments à basse consommation d’énergie. Évidemment, dans une maison rénovée avec une isolation renforcée, les habitants verront une différence, et pourraient s’en contenter ! Et pourtant, l’étanchéité à l’air optimale a bien plus d’intérêt que la simple performance de l’isolant.
Attention au maison trop étanche
Attention ! Comme le dit si bien le CETE de Lyon :
Il ne s’agit en aucun cas de confiner les occupants dans un « sac plastique », mais au contraire de leur procurer de l’air de qualité en quantité suffisante mais sans excès.
Parler d’isolation et étanchéité à l’air SANS ventilation serait tout à fait incomplet et “dangereux”.
En réalité, il y a un triangle d’or à respecter : étanchéité à l’air, ventilation et isolation !
L’année dernière j’ai rencontré Liselotte, une Danoise expatriée en France (précisément dans le Trièves pour ceux qui connaissent !) et propriétaire d’un gîte entièrement rénové avec des matériaux de récup ou neufs écologiques. Nous parlions de l’étanchéité à l’air. Elle m’a alors expliqué qu’après le 1er choc pétrolier le Danemark avait mis en route des règlementations très drastiques sur l’isolation et que progressivement un travail avait été mené sur l’étanchéité à l’air. Au final, elle se rappelle d’une période où “on étouffait” dans les maisons ! C’était donc bien avant les systèmes de ventilation performant qui permettent de faire “respirer la maison” de manière contrôlée, sans surconsommer (ex : la Ventilation Mécanique Contrôlée VMC double flux).
Malgré les avancées techniques ET les expériences réussies, beaucoup voient encore la maison écologique performante (notamment la maison passive) comme un thermos où on vivra moins bien !
- avec une bonne isolation thermique et une bonne étanchéité à l’air, vous vous assurez un confort thermique “constant”, c’est-à-dire qu’été comme hiver vous bénéficiez d’une température ambiante égale dans TOUTES les pièces de la maison (fini les chocs thermiques d’une pièce à l’autre !). En outre une bonne perméabilité à l’air du bâtiment assure une durabilité de conservation du bâti.
- avec une bonne ventilation, vous vous assurez un renouvellement d’air “bien calibré” : suffisamment pour maintenir une bonne qualité de l’air intérieur (car l’air est suffisamment renouvelé), et grâce à un “échangeur”, l’ai neuf entrant est préchauffé par l’air vicié sortant (la VMC double flux), donc vous ne “chauffez” pas (moins) les oiseaux !
- avec une bonne étanchéité à l’air, vous vous assurez le bon fonctionnement de votre système de ventilation. Le système de ventilation est installé après le calcul des besoins de la maison. S’il y a beaucoup d’infiltrations parasites, la ventilation se dérègle… et surconsomme. Ajoutons qu’une bonne étanchéité à l’air apporte un confort acoustique aux occupants, puisque le son se propage par l’air.
- avec une bonne ventilation et une bonne étanchéité à l’air, vous éliminez constamment l’humidité accumulée dans la maison venant de notre respiration, et nos activités (cuisson, douche, séchage linge…) et limitez les risques de moisissures, condensation… ce qui bon pour votre santé ET la conversation du bâtiment (pas de condensation dans les isolants traversés par cet air chargé d’eau ! Ainsi, l’hygiène et la santé par la qualité de l’air intérieur donne un écho complémentaire aux questions de confort, d’économie et de durée de vie du bâti.
Et pour terminer cette série sur l’étanchéité à l’air, rappelons que la construction d’un bâti performant nécessite la maitrise d’une bonne étanchéité à l’air. Des tests sont à réaliser en vue d’une certification BBC et Passivhaus.
Et dans l’existant, si vous souhaitez faire rénover votre habitat, n’oubliez pas le trio « gagnant » Isolation / Etanchéité à l’air / Ventilation.
Autrement… dans le neuf et l’existant, vous n’y échapperez pas !
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